9e Conférence

LES COLLECTIFS ANARCHO-GREGAIRES. ANTHROPOLOGIE DE LA PAIX ET DE LA GUERRE
9e Conférence
Charles Macdonald DRE CNRS UMR « Anthropologie Bioculturelle »

GUERRE ET PAIX CHEZ LES CHIMPANZES

Introduction
Dans cette présentation je développerai une problématique qui élargit les limites des discussions précédentes consacrées aux fondamentaux de la vie collective et de son organisation en « sociétés » d’une part et en collectifs anarchogrégaires (AG) de l’autre. La question de la paix et de son contraire interpelle et met en cause la notion de partage entre les structures « sociales » et les formations de type AG. Ces dernières étaient principalement représentées par des communautés de chasseurs-cueilleurs et d’essarteurs étudiées par les ethnologues, communautés qui présentaient pour la plupart des caractéristiques de non violence et de paix. Les sociétés hiérarchisées, avec des mécanismes compétitifs, à groupes fermés, technologiquement plus complexes ou plus modernes, par leur armement en particulier, semblaient présenter des terrains plus favorables aux conflits armés et à la guerre. Qu’en est-il vraiment ? Au fond, cette question peut s’entendre comme l’écho d’une autre, qui opposerait un homme primitif pacifique et sans armes à un être humain civilisé et belliqueux. Dans les termes qui ont été les miens, peut-on conclure comme je l’ai fait que les collectifs AG sont intrinsèquement pacifiques et paisibles, et les groupes à structure sociale des terrains fertiles pour la guerre et les conflits armés ? Prenant les choses plus largement encore, peut-on penser que les humains laissés à eux-mêmes sont destinés à se faire la guerre et à vouloir s’entre-tuer, ou bien qu’ils sont originellement pacifiques et qu’ils répugnent à agir violemment contres les membres de leur propre espèce. On rejoint ici le vieux débat entre les tenants de Hobbes et ceux de Rousseau.
Or ce débat est toujours d’actualité et deux écoles de pensée s’affrontent. Des ouvrages récents publiés aux Etats-Unis par des auteurs influents comme Jared Daimond (The World until Yesterday, Viking Press, 2012) et Stephen Pinker (The Better Angels of our Nature. Penguin Books, New York , 2011) accréditent la thèse que l’homme est violent et que seuls la civilisation et l’Etat peuvent remédier à l’insécurité résultant nécessairement de ses inclinations meurtrières. Ces auteurs dénoncent ce qu’ils considèrent comme une illusion, celle de croire que l’homme est initialement non violent, plus enclin à la paix qu’à la guerre. Ils récusent le témoignage des ethnologues qui ont décrit des sociétés pacifiques et les accusent d’avoir falsifié leurs données (Benjamin et collègues, 2012). Les peuples primitifs sont tous adonnés à la violence, prétendent-ils, l’homicide et les conflits armés sont monnaie courante, les agressions de tous ordres sont attestées dès la préhistoire. Ils en donnent pour preuve de nombreux faits ethnographiques rapportés par les observateurs ; les guerres et les batailles des tribus de Nouvelle-Guinée, ainsi que les mœurs violentes de populations amérindiennes figurent en bonne place dans ce panorama de l’agressivité humaine. Pour eux, l’idéologie rousseauiste et tout ce qu’elle implique n’est qu’un fatras de croyances erronées. La violence disent-ils fait partie de la structure mentale humaine et l’évolution de l’homme jusqu’au 21ème siècle est marquée par une progressive réduction de la violence initiale qui a caractérisé toute la préhistoire et les débuts de l’histoire. C’est le paradigme du chimpanzé en tant que mâle démoniaque qui leur sert de modèle.
Les anthropologues de la paix de leur côté contestent vivement cette vision des choses et apportent pour preuve l’existence de nombreuses sociétés qui ne font pas la guerre, trouvent des solutions négociées et pacifiques à leurs conflits et refusent toute forme de violence. L’agressivité, selon eux, n’est pas une composante fondamentale et permanente de la psychologie humaine. Ils peuvent démontrer l’existence de nombreux peuples pacifiques sur tous les continents et invoquer à leur tour le cas des bonobo qui font l’amour et pas la guerre, au contraire des chimpanzés qui font les deux, mais surtout la seconde. Il est vraisemblable d’après eux que les chasseurs-cueilleurs de la préhistoire aient été pacifiques et non violents.

On peut faire un tableau simplifié de cette situation :
GUERRE PAIX

FAUCONS, BELLICISTES COLOMBES, PACIFISTES
WRANGHAM, PINKER, DIAMOND, CHAGNON, KEELEY… DE WAAL, FRY, SPONSEL, DENTAN, FERGUSON…

CHIMPANZES BONOBO

HOBBES ROUSSEAU
MÂLE DEMONIAQUE BON SAUVAGE
COMPETITION COOPERATION

Pour y voir plus clair et se former une opinion, il faut transporter le débat sur trois théâtres de campagne, celui de l’ethnologie, celui de la primatologie, celui de la préhistoire et de la paléoanthropolgie. On opère ainsi la triangulation classique entre 1- ce que nous savons des populations les plus simples et qui vivent essentiellement de chasse, de cueillette et de pêche, comme nos prédécesseurs ont vécu pendant 190 000 ans, 2- ce que l’on peut extrapoler des restes humains les plus anciens, 3- ce qu’enseigne l’observation des primates les plus proches de nous, à savoir les grands singes et plus particulièrement les chimpanzés, les bonobos et les gorilles. La synthèse entre ces trois sources fait appel aux mécanismes de l’évolution et de la génétique, ainsi qu’aux découvertes des neurosciences. Tout cela permet de placer l’homme tel qu’il existe aujourd’hui dans l’évolution de l’espèce, à l’endroit qu’il occupe dans l’arbre généalogique des primates et de se faire ainsi une idée de ses tendances comportementales innées.
Je commencerai mon exposé par examiner les données et les conclusions des primatologues et à regarder du côté des grands singes dont nous savons qu’ils possèdent des organisations collectives, qu’ils n’agissent pas au hasard, ni en fonction d’instincts étroitement programmés, que leur comportement obéit toutefois à des régularités et à des règles. Nous savons beaucoup de choses que nous ignorions totalement il y a une cinquantaine d’années et nous en apprenons tous les jours plus. Les bords du fossé qui paraissait infranchissable il y a plus de cinquante ans entre l’homme et les grands singes anthropoïdes se sont rapprochés et il paraît aujourd’hui vraisemblable que les chimpanzés détiennent les clés du comportement originel de ceux qui, il y a cinq millions d’années, sont devenus nos ancêtres directs. Mais quels chimpanzés ? Pan troglodytes, qui est une brute, ou Pan paniscus qui est un tendre ?

Mâles démoniaques
Dans un ouvrage qui fait date, deux primatologues, R. Wrangham et D. Peterson, expliquent pourquoi l’homme appartient à une espèce par nature vouée à la violence, sur la base de leurs observations sur les grands singes et tout particulièrement les chimpanzés (Pan troglodytes) à l’état sauvage. Leur ouvrage s’intitule « Mâles démoniaques. Les grands singes et l’origine de la violence humaine.» (1996, Boston & New York, Houghton Mifflin Company ed.) . Ces auteurs sont des scientifiques sérieux et des hommes de terrain. Wrangham, qui est professeur à Harvard, a été l’élève de Jane Goodall, la mère de l’ethologie des chimpanzés à l’état sauvage, celle à qui le monde doit la découverte d’un continent scientifique inexploré jusque dans les années 60. Leurs conclusions sont basées sur des observations de première main et sur la synthèse d’études menées par leurs collègues sur une trentaine d’années. Il ne s’agit pas d’un ouvrage écrit par des amateurs ou des idéologues et il convient de l’examiner avec soin. Il s’agit d’ailleurs d’un ouvrage bien écrit et d’une lecture captivante.
Pendant la première période d’observation, sur une dizaine d’années, Jane Goodall n’avait jamais été témoin d’un acte de violence homicidaire chez les chimpanzés qu’elle avait suivis dans leurs déplacements et observés dans leur quotidien. Ce n’est qu’au début des années 70 qu’une série d’observations concordantes mettent à jour le fait indéniable que des chimpanzés tuent d’autres chimpanzés. Il s’agit de faits perpétrés de façon intentionnelle. La victime est le plus souvent un mâle isolé et les agresseurs une coalition de plusieurs mâles. Ces agressions et ces « meurtres » se déroulent au cours de « raids » durant lesquels une « patrouille » de chimpanzés mâles pénètrent dans un territoire adjacent occupé par une autre communauté de chimpanzés. Lorsqu’ils repèrent un mâle isolé de cette dernière, ils s’en rapprochent et l’attaquent à plusieurs contre un. Le chimpanzé qui est ainsi surpris est immobilisé par un ou deux assaillants tandis que les autres lui lacèrent le corps à coups de dents et le frappent violemment à coups de poing, avec des branches ou des pierres. Il est laissé pour mort et, s’il vit encore, il ne tarde pas à succomber à ses nombreuses blessures. Une fois leur acte accompli les agresseurs rentrent dans leur territoire. Une telle attaque a été observée pour la première fois en 1974. Depuis, d’autres raids mortels ont été rapportés, par Wrangham et d’autres observateurs. Ces attaques répétées d’une communauté contre une autre aboutissaient dans certains cas à l’extermination complète d’une communauté. Les victimes pouvaient être des femelles. Ces observations étaient troublantes pour trois raisons au moins.
1. D’abord on avait cru que les chimpanzés étaient des mammifères pacifiques, qui ne se battaient pas jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou qui n’avaient recours à la violence que rarement ou sporadiquement et sans léthalité. Ils étaient d’innocents habitant d’un Eden simien. Ils nous renvoyaient l’image d’un paradis perdu. Grosse erreur.
2. Ensuite ces attaques d’une violence sanguinaire extrême ne semblaient pas avoir de fonction évidente : elles n’étaient pas destinées à se procurer des femelles –en tout cas pas dans l’immédiat—ni de la nourriture, ni à occuper le territoire de la communauté voisine –tout au moins pas tout de suite–. Les combats entre mâles ailleurs dans le règne animal sont typiquement des duels destinés à asseoir la suprématie d’un mâle sur les autres en vue de féconder des femelles, ou de défendre un territoire. L’assassinat d’un mâle isolé chez les chimpanzés ne correspond à aucun de ces objectifs. A quoi ces actes de violence pouvaient-ils donc servir ?
3. Enfin, de tels actes d’agression aboutissant à la mort de l’adversaire sont rares dans le règne animal. On sait depuis les travaux de Konrad Lorenz que les rivalités entre mâles d’une espèce se règlent par des démonstrations de supériorité visuelles et auditives en vue d’intimider, ou sont atténuées par des facteurs d’inhibition qui bloquent l’agressivité et l’empêchent de suivre un cours mortel. Le perdant a la vie sauve.
L’explication de ce comportement déviant chez les chimpanzés repose sur plusieurs facteurs qui tiennent à leur organisation « sociale ». Avant d’aborder cette explication, il faut savoir pourquoi ce type de conduite nous importe du point de vue évolutionnaire. En un mot, et pour suivre Wrangham et Peterson, si nous ne somme pas des chimpanzés notre ancêtre direct l’était, lui. (voir figure : arbre généalogique des primates). Et s’il était un chimpanzé c’est que nous le sommes restés, au moins en partie. Mais nous aurions pu être gorille ou orang-outan. Nous ne le sommes pas parce que, nous disent les généticiens, l’animal dont la proximité génétique est la plus grande par rapport à Homo, c’est bien Pan et non Gorilla, ni Pongo. L’ancêtre le plus direct que nous avons sur le phylum est un être qui ressemblait au chimpanzé actuel et qui a vécu il y a environ 5 à 7 millions d’années. Il semble en effet que les chimpanzés ont peu évolué et qu’il s’agirait d’une espèce plus conservatrice que celle de l’homme qui a subi des modifications anatomiques et mentales plus rapides et plus profondes sur les quelques millions d’année de son évolution depuis sa séparation avec les ancêtres des chimpanzés. En regardant un chimpanzé on regarde notre ancêtre, à peu de choses près. C’est du moins ce qu’affirment Wrangham et Peterson. Comme le comportement des chimpanzés et que leur organisation en groupe est différente des autres grands singes, les particularité de ce comportement nous concernent plus directement.
Revenons maintenant aux facteurs qui permettent d’expliquer ces agressions intraspécifiques. Celles-ci ne se limitent pas aux raids et incursions en territoires ennemis mais concernent aussi les rapports entre mâles et femelles d’une part, les rapports internes au groupe pour l’accession au rang dominant chez les mâles. Ces deux types de violence (pour la soumission des femelles et pour la dominance hiérarchique) n’aboutissent pas à la mort de l’autre mais sont marqués cependant par une considérable brutalité. La structure sociale chimpanzé est une structure hiérarchique avec un mâle dominant. Les mâles dominés tentent constamment de renverser le dominant et s’allient entre eux pour le faire, de sorte que la hiérarchie change constamment dans un jeu perpétuel de chaises musicales. La fluidité et l’instabilité de l’organisation sociale des chimpanzés nous est déjà connue (voir conférences précédentes). Les défis et les combats sont violents mais pas mortels ou pas toujours mortels. Les chimpanzés sont caractérisés d’autre part par une domination masculine très forte. Les mâles sont nettement plus grands et plus lourds que les femelles, le dimorphisme est très important, et cet avantage de taille et de musculature est mis à profit par les mâles pour humilier constamment les femelles et leur rappeler leur rang inférieur. Un jeune mâle qui sort de l’adolescence va systématiquement battre les femelles. Toutes se font rosser, mordre et violer. La violence est donc incontestablement un attribut du sexe masculin, et pas seulement chez les chimpanzés. Chez les humains si on compare le taux d’homicides perpétrés sur le même sexe (homme tuant un autre homme, ou femme tuant une autre femme) la fréquence statistique masculine est de 92 à 100% (contre 0 à 8% pour les femmes). Chez les humains comme chez les chimpanzés ce sont les hommes qui tuent, pas les femmes.
Il faut rappeler que les chimpanzés observés dans la forêt à l’état sauvage vivent sur des territoires assez bien délimités, en groupe dominés par des mâles issus de mâles nés au même endroit. Cette philopatrie masculine (les femelles quittent la communauté d’origine) s’accompagne d’une structure hiérarchique masculine. Ce ne sont pas les femelles qui forment des coalitions et des groupes hiérarchisés (comme chez les babouins ou les bonobos) mais les mâles. Philopatrie masculine, patriarcat, dominance masculine, compétition pour accéder aux rangs supérieurs de la hiérarchie (compétition qui concerne encore une fois les mâles et pas les femelles), soumissions systématique des femelles sont la matrice d’une dynamique de violence interne mais sont à la source également des ensembles territoriaux xénophobes, qui dirigent leur hostilité contre les étrangers. L’inimitié règne entre membres de deux communautés territoriales et, comme on l’a vu, on essaie de s’éliminer physiquement d’une communauté à l’autre. Pour ce faire, comme vu précédemment, des raids sont menés par de petits groupes ou patrouilles.
Cette forme d’organisation en cliques ou gangs (« party-gang » en anglais) est différente de la formation en « troupes » comme chez les babouins. Celles-ci apparemment sont plus grandes, comptent plus de membres et surtout on une composition fixe. Les cliques, elles, varient en taille et en composition. Certaines espèces seulement connaissent cette forme de groupement. Chez les chimpanzés elles se montent à quelques mâles (quatre ou cinq) auxquels une femelle se joint occasionnellement. Mais la taille de ces cliques varie en fonction des ressources alimentaires saisonnières présentes sur le territoire. Plus il y a de fruits, plus grandes seront ces cliques et plus large leur périmètre d’exploration. La structure sociale chimpanzé est donc aussi marquée par une grande fluidité : les hiérarchies sont instables, les groupes en cliques se font et se défont.
Cette situation rappelle-t-elle des situations semblables chez les humains ? Incontestablement. Lutte de gangs pour un territoire, domination et violence principalement masculines, hiérarchies instables, luttes de pouvoir, soif de dominance, viols et comportement brutal envers les femmes, sentiments intensément xénophobes, patriotisme de clan ou de communauté, on croit lire une liste complète des ressorts de la violence humaine, telle qu’on la montre dans les romans et les films du Parrain aux Rois Maudits. Les homologies vont encore plus loin dans le détail, comme on le verra. Il faut déjà cependant extraire deux concepts qui vont jouer un rôle important sur les théories anthropologiques de la guerre. Il s’agit des « groupes d’intérêt fraternels » (abréviés FIG en anglais pour « fraternal interest groups ») et de « l’équilibre des forces ».

Groupes d’intérêt fraternels
Le premier concept renvoie à l’existence de groupe de mâles de préférence jeunes, étroitement apparentés et vivant ensemble. On se rappelle que les chimpanzés suivent le régime de « philopatrie masculine », c’est-à-dire que les mâles restent sur place et que les femelles se dispersent à la puberté. Cela facilite les coalitions de mâles apparentés et co-résidents. En termes ethnologiques, cette situation suggère celle de système « patrilénaire » et « patrilocal », et les règles correspondantes de filiation et de résidence. Dans tous les cas les femelles quittent le groupe d’origine et le noyau du groupe local est formé de mâles étroitement apparentés. Les travaux d’Otterbein l’ont bien montré : chez les humains, si vous avez des FIG vous avez de la violence et si vous avez de la violence c’est qu’il y très probablement des FIG à l’œuvre quelque part.

Equilibre et déséquilibre des forces
En ce qui concerne la seconde notion, celle d’équilibre des forces, elle peut être appliquée non seulement aux violences intercommunautaires chez les chimpanzés (les fameux raids décrits plus haut) mais aux guerres dans des populations tribales. L’équilibre des forces est un terme qui recouvre en fait l’effort constant pour déséquilibrer les forces en présence en sa propre faveur, en d’autres termes, d’obtenir ou de préserver une position dominante d’un groupe sur les autres. En effet, les meurtres de chimpanzés ne s’expliquent pas par la seule défense du territoire (qui n’est pas menacé) ni par le rapt de femelles, ni par le vol de nourriture. L’observation au long terme montre seulement que c’est la récurrence de ces expéditions meurtrières qui affaiblit progressivement le groupe voisin et finalement le réduit à néant, ce qui libère le territoire, permet de prendre les femelles survivantes après avoir tué leurs petits, et ouvre un espace de ressources non disponible auparavant pour le groupe agresseur. Les choses se passent apparemment de la même façon, mutatis mutandis, dans les populations Enga de Nouvelle-Guinée et le modèle pourrait s’appliquer à d’autres populations humaines.
On comprend pourquoi l’explication ultime de la violence en général chez les chimpanzés est fournie d’après Wrangham et Peterson par le désir insatiable de dominance, à l’intérieur du groupe et entre groupes. Les incursions en territoire ennemi et les opérations de commando destinés à tuer les membres d’autres communautés ont pour but la domination, l’élimination à tout prix des autres mâles et donc l’affaiblissement progressif des forces ennemies. Ce qui s’est passé, pensent Wrangham et Peterson, c’est que ce désir a été intériorisé et est devenu le ressort principal du vécu de ces primates. Le simple et élémentaire désir de vaincre et de dominer a pris le relais sur celui d’acquérir des femelles ou de posséder un territoire.
Cette motivation reste au service de la maximisation de la transmission égoïste des gènes : la domination permet aux mâles de s’assurer une descendance à l’exclusivité d’autres mâles. Comme toujours dans l’hypothèse de Dawkins, un être vivant n’est qu’un instrument qu’utilise un gène pour se reproduire. La poule est le moyen qu’utilise un œuf pour fabriquer un autre œuf. La suprématie gagnée par un mâle sur le plus grand nombre possible d’autres mâles lui assure une chance maximum de transmettre ses propres gènes à la génération suivante. Nous voilà donc au cœur du problème : la volonté de pouvoir chez les mâles de l’espèce. On retrouve la hiérarchie et la compétition comme éléments fondamentaux de la matrice qui suscite la violence généralisée. Dans la compétition pour la reproduction des gènes, le vainqueur est le mâle démoniaque, pas le gentil coopérateur.
Mais qu’en est-il des bonobos qui offrent une disposition entièrement différente, voire opposée à celle des chimpanzés, tout en étant eux-mêmes des chimpanzés puisqu’en terme zoologiques il s’agit de deux espèces du même genre, voire de deux sous-espèces de la même espèce ?

Les bonobos
Du point de vue phylogénétique les bonobos seraient un rameau plus tardif sur la branche chimpanzés, ils auraient commencé à diverger des autres chimpanzés il y a 1,5 à 3 millions d’années. Anatomiquement ils sont très légèrement différents des chimpanzés, avec une ossature plus fragile. Leur apparence est très semblable mis à part quelques détails : leur visage est de couleur plus sombre et leurs lèvres plus rouges (voir diapo). Leur observation à l’état sauvage est plus récente que celle de ces derniers et celui qui a été leur premier témoin est le primatologue Japonais Takayoshi Kano qui a commencé ses investigations en 1974. Ses études et celles de ses collaborateurs sur plus de vingt ans permettent d’avoir une connaissance assez exacte de leur comportement. Il n’est pas impossible toutefois qu’ils nous réservent encore de grosses surprises comme cela a été le cas avec les chimpanzés supputés à tort non violents (et dont on a découverts qu’ils étaient des brutes sanguinaires), mais il est clair dès le départ qu’ils sont beaucoup moins adonnés à la violence que leurs cousins.
Leur comportement paisible et non violent est attesté aux trois niveaux des relations entre sexes (les mâles ne battent pas et ne violent pas les femelles), des relations entre mâles et des relations entre communautés. Il n’existe aucun témoignage ou observation rapportant un mâle forçant une femelle, ou tuant un enfant. Les communautés ne se font pas la guerre et parfois se rassemblent amicalement. Il n’y a pas de raids meurtriers entre elles. Il n’y a pas de compétition violente pour la domination dans le groupe. Et pourtant, à presque tous les autres égards, les bonobos et les chimpanzés sont pratiquement identiques. Même dimorphisme sexuel (mâles beaucoup plus grands et forts que les femelles), même vie collective en communautés à base territoriale, même philopatrie masculine (les femelles partent, les mâles restent), même tendance à ordonner linéairement les membres du groupe.
La présence de hiérarchies est attestée, avec des individus dominants et des individus dominés, mais cette fois les deux sexes font jeu égal, il y a co-dominance. Il y a des femelles dominantes et des mâles dominants mais ils sont égaux entre eux. Chez les chimpanzés tous les mâles sont dominants par rapport aux femelles. Chez les bonobos les femelles coopèrent entre elles de façon plus marquée que les mâles. Elles savent s’organiser beaucoup mieux. Lorsqu’un mâle se dispute avec une femelle et qu’il l’attaque les compagnes de cette dernière viennent tout de suite à la rescousse et le mâle n’a aucune chance, il doit battre en retraite. De ce point de vue, les femelles sont dominantes, elles sont les plus fortes et peuvent s’opposer victorieusement à la violence masculine.
L’agression n’est pas absente de la société bonobo. La compétition pour les positions dominantes prend la forme d’attaques au cours desquelles des coups et des morsures sont infligés à l’opposant. A l’issue de ces échauffourées les combattants font la paix. Seulement ces bagarres sont moins violentes et moins fréquentes chez les bonobos. Un chimpanzé mâle peut perdre la vie après avoir été attaqué par des rivaux, mais pas un bonobo. La compétition est très atténuée. De même l’accès aux femelles ne fait pas l’objet d’un enjeu aussi sévère et les relations sexuelles d’un mâle avec une femelle ne sont pas scrutées avec autant de suspicion. D’une façon générale les relations sexuelles et les contacts génitaux (caresses, frottement des vulves entre femelles, pénétration par les mâles) sont couramment utilisés comme signes de relations affectueuses, amicales, pour créer une bonne entente.
La violence intercommunautaire n’est pas totalement absente mais elle est considérablement réduite. En tout cas, des patrouilles et des incursions dans le territoire ennemi à la recherche d’un individu à tuer n’ont pas été observées. Au contraire, des rencontres pacifiques entre communautés, toujours initiées par des femelles, ont été observées entre communautés. Cela s’explique en partie par le fait que les femelles circulent d’un groupe à l’autre. Ainsi des femelles d’un groupe X ont des relations amicales avec d’autres femelles dans le groupe Y où elles ont grandi. Ces liens jettent un pont entre les communautés X et Y.
Cette quasi absence de relations violentes et une réelle disposition à nouer des liens amicaux sont difficile à expliquer au vu de la situation décrite chez les chimpanzés. Les bonobos sont une branche divergente des chimpanzés et on peut donc poser qu’ils sont des primates au départ violents mais dont les mœurs ont été adoucies au cours du temps. Par quoi et comment l’auraient-elles été? Deux facteurs sont pris en considération : le fait que les bonobos vivent encore en groupes fraternels formés de mâles défendant un territoire (comme les chimpanzés) mais avec une tendance à la domination de femelles qui coopèrent et à un renforcement du lien entre mère et enfants à l’âge adulte.
L’explication avancée par Wrangham-Peterson est d’ordre écologique. Les cliques (en anglais « parties ») formés par les bonobos sont plus importantes (comportent plus d’individus) et surtout un nombre plus élevé de femelles. Cela est rendu possible parce que la zone occupée par ces animaux dans la boucle du fleuve Zaïre a une particularité que n’a pas la zone occupée au-delà du Zaïre par les chimpanzés, à savoir d’offrir une nourriture plus abondante au sol sous la forme d’herbes et de feuilles comestibles, une nourriture prisée et normalement monopolisée par les gorilles qui sont fort heureusement absents de la zone en question. Le coût des déplacements est réduit de ce fait, les membres du groupe en déplacement trouvent de quoi se nourrir tout le long du chemin. Cette abondance de nourriture permet aux cliques d’aller plus loin dans leurs expéditions à la recherche de fruits et d’inclure plus de femelles. La taille plus importante et la composition plus stable de cliques rend ces groupes plus forts (donc moins vulnérables à des attaques par des étrangers) et crée un équilibre entre les sexes. Ils ne sont pas sujets aux violences caractéristiques des espèces à petites cliques de mâles apparentés. Ces agrégats reposant sur une composition mixte et donnant aux femelles un rôle décisif, favorisent l’entente paisible et une meilleure cohésion. Le FIG chimpanzé est soluble dans la clique bonobo.
Je m’arrête un instant sur cette explication qui fait sourire. En mangeant de l’herbe les bonobos seraient devenu des chimpanzés non-violents. Ce type d’explication mécaniste et déterministe, qui faisait les beaux jours de l’anthropologie matérialiste à la Marvin Harris, ne peut pas convaincre. Mettons que les bonobos ont mis deux millions d’années à se distinguer de leurs cousins dans la forme actuelle. Les transformations qu’ils ont subies sur le plan mental pour en arriver à être les doux primates qu’ils sont maintenant ont du être très profondes. Ce qui est devenu déterminant c’est la qualité des relations entre sexes et la disparition de l’obsession hiérarchique. Incontestablement les « conditions de félicité » de leur vie collective ont été renforcées, en particulier en recourant au plaisir sexuel. La soif de domination s’est atténuée, les rapports interpersonnels sont devenus plus complexes, plus fins, plus malléables, ce qui suppose peut-être une intelligence plus déliée. Le développement de la coopération altruiste leur donne un registre supplémentaire de socialité. Leur disposition grégaire a du subir un changement radical, une réelle mutation, avant de permettre à ces cliques de devenir des troupes stables, non pas l’inverse. Pour s’agréger il leur fallait le vouloir, en avoir aussi les moyens cognitifs et les structures émotionnelles ; ce n’est pas parce qu’ils ont été mécaniquement réunis par une abondance de nourriture qu’il en sont arrivés à créer une société non violente. Il fallait renoncer à la guerre avant de créer des conditions stables de paix. Car, comme nous allons le voir plus loin, la paix n’est pas l’absence de guerre pas plus que l’égalité n’est le degré zéro de la hiérarchie. La paix est construite tout autant que la guerre et repose sur des dispositifs au moins aussi complexes. On ne peut pas réduire cela à une seule question d’alimentation. Certes le facteur environnemental et alimentaire a joué un rôle mais on ne peut pas raisonnablement y voir une cause unique et suffisante comme le veulent Wrangham et Peterson. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi des coalitions plus fortes diminueraient les chances de rencontre hostile. Des gangs de quatre ou cinq hommes sont portés à attaquer des individus isolés, mais des compagnies de plusieurs centaines de guerriers peuvent tout aussi bien faire assaut contre d’autres groupes armés de taille égale ou inférieure.
Nos primatologues, en quittant le terrain de leur spécialité font des raisonnements simplistes et réducteurs. C’est qu’ils ne peuvent pas pour l’instant expliquer cette différence considérable entre les deux espèces. En retenant la thèse que l’homme est finalement plus proche du chimpanzé que du bonobo ils font un choix qui est plus idéologique que scientifique. Il a fallu au premier cinq millions d’années pour se distinguer des deux suivants et sur cette durée immense il a subi une complète transformation mentale. Rien ne prouve qu’il n’ait pas suivi la voie du bonobo vers la coopération pacifique, l’égalité sexuelle et la non-violence comme prérequis de ses toutes premières sociétés. Alors, chimpanzé ou bonobo ?
Wrangham, Pinker, Diamond, Keeley et sans doute une majorité plus ou moins consensuelle dans le monde des sciences sociales, insistent pour nous comparer aux chimpanzés et affirmer que le mâle démoniaque est la figure centrale de l’histoire humaine. J’examine dans la conférence suivante leurs arguments, fondés également sur la comparaison entre les sociétés tribales, les données de la préhistoire et les primates de la forêt africaine.

Discussion : les chimpanzés et les humains sont-ils des tueurs nés ?
Je reprendrai d’abord les remarques de deux anthropologues, Sussman et Marshak, dans un document de 2010 publié par le Center for Global Nonkilling (CGN, Sussman and Marshak 2010). Pour reprendre les thèses de Wrangham, la violence chez l’être humain est innée et congénitale. Elle résulte de trois facteurs mis en place au cours de l’évolution : la coopération meurtrière (« coalitionary killing »), la pulsion de domination (« dominance drive ») et la tendance au déséquilibre des forces entre groupes ou communautés.
Sans entrer dans un débat théorique concernant la validité d’une approche sociobiologique inspirée par Wilson, Dawkins et d’autres (le gène égoïste « selfish gene », le succès reproductif « inclusive fitness », l’altruisme réciproque « reciprocal altruism ») on peut objecter à Wrangam et collègues que la coopération meurtrière n’est pas aussi rare qu’ils le disent dans le règne animal. Les lions, les hyènes, les loups et beaucoup d’insectes sont coutumiers du fait (comme le reconnaît Wrangham d’ailleurs). L’erreur consiste, selon Sussman et Marshak (S&M) à rassembler dans une même catégorie des comportements qui se ressemblent mais ne relèvent pas du même principe. Les ressemblances ne prouvent pas que les fonctions sont les mêmes. En second lieu la pulsion invoquée (« dominance drive ») fait partie de ces notions qui permettent de tout confondre en offrant l’apparence trompeuse d’être un phénomène ou un processus unique. A ces arguments méthodologiques –qui ont peu de force—il faut ajouter des objections factuelles.
Toujours selon S&M, les actes de violence collective sont rares chez les deux espèces en cause (Pan troglodytes et Homo sapiens) ; leur fréquence est exagérée par Wrangham et collègues. La coopération dans l’agression meurtrière se traduit souvent par des escarmouches sans gravité. Pourquoi est-ce que Jane Goodall aurait jugé les chimpanzés pacifiques, « et bien plus encore que les humains », jusqu’en 1974, s’ils avaient manifesté cette constante brutalité que leur impute Wrangham ? Par la suite, aux meurtres constatés directement par celui-ci, un nombre important de cas ont été simplement supputés sur la base de cadavres (six de 1970 à 82 par Nishida et collègues, un autre par Wrangham et collègues entre 1984 et 1991). D’autres cas, au nombre de 12 pour des cadavres qui ont été autopsiés et 17 pour des disparitions inexpliquées, ont été ajoutés au compte final, soit 29 cas suspects mais discutables. Les agressions n’ont pas été observées dans ces cas. La fréquence des agressions léthales vérifiées est donc très faible et celle des infanticides et viols encore plus. Il semble donc que les chimpanzés sont beaucoup moins violents que ne le veulent Wrangham et ses collaborateurs et qu’ils ne sont pas les brutes assoiffées de sang qu’ils dépeignent. Au final « l’homme tueur » auquel ce supposé chimpanzé démoniaque aurait donné naissance n’est , disent les « colombes », qu’un mythe de plus, à verser au dossier des fables construites par les « faucons », des paléontologues et anthropologues mal informés, tels Raymond Dart ou Robert Ardrey.
Wrangham a répondu point par point à ces objections dans le document publié par le CGN (Wrangham 2010). La question fondamentale est en effet celle de la fréquence de la coopération meurtrière (agressions mortelles par plusieurs individus qui se liguent et agissent de concert). Pour les chimpanzés le risque de mourir de mort violente est dans une fourchette de 69 à 287 pour 100 000. Les comportements agressifs observés chez les chimpanzés sont suffisamment fréquents et nombreux pour autoriser sans conteste un diagnostic de violence comportementale et de dangerosité. Le compte final même en excluant les cas litigieux (69 pour 100 000 dans des violences inter-communautaires et 271 pour 100 000 dans des violences intra-communautaires) est suffisamment élevé pour asseoir la certitude de morts violentes dues à des actes coordonnés collectifs.
Wrangham s’appuie par ailleurs sur la comparaison entre chimpanzés et sociétés tribales « anarchiques » et/ou « préétatiques », et y voit une indication décisive de la transmission génétique du facteur d’agressivité intraspécifique. Les statistiques de mort violente réunies sur un échantillon de sociétés de chasseurs-cueilleurs, des plus pacifiques au plus violentes, donnent une moyenne de 164 pour 100 000 (Wrangham et al. 2006), chiffre qui tombe dans la fourchette des 69 à 287 pour les primates africains. Un trait caractéristique commun aux deux espèces est qu’il s’agit de situations qui mettent en cause des communautés basées sur un territoire et indépendantes les unes des autres. L’hypothèse du déséquilibre des forces s’applique particulièrement bien à ce type de situations. L’exemple des indigènes des îles Andamans est invoqué. Eux aussi faisaient preuve d’un comportement de chimpanzés en attaquant systématiquement tout membre d’une communauté ou tribu étrangère.

Tableau- Risque de mort violente chez les chimpanzés et les chasseurs-cueilleurs
Chimpanzés Chasseurs-cueilleurs
Morts viol. Inter-com. 69/100 000
Morts viol. Intra-com. 271-281/100 000

Moyenne 170-175/100 000 164/100 000

Ensuite, la mise en cause de la « pulsion de domination » (« dominance drive ») est surtout une question de mots et qu’on appelle cela tendance, pulsion, appétence ou autre il est incontestable que les chimpanzés mâles font preuve d’agressivité. Wrangham répond encore à d’autres critiques, en particulier sur les interférences supposées des observateurs dans le comportement d’animaux sauvages. Enfin il rappelle que Pan est notre plus proche parent génétiquement et réaffirme que la coopération meurtrière entre mâles est bien une spécificité de l’homme et du chimpanzé dans le règne animal, rarement observée dans d’autres espèces.

Conclusion
La position des primatologues, pour tout dire, est assez cohérente sur la question de l’agressivité telle qu’elle est observée chez les chimpanzés. Les objections de Sussman et collègues ne sont pas terriblement convaincantes. Reste la question des bonobos. Les modèles construits par les « chimpanzistes » ne les intègre pas. Rien n’interdit de penser que homo sapiens a suivi une voie parallèle à Pan paniscus et que ses antécédents évolutionnaires depuis qu’il s’est détaché de la branche simienne ne se soient pas caractérisés par un développement des comportements de coopération pacifique et de dispositifs d’inhibition forte contre la violence intraspécifique. En dépit des raisons invoquées par Wrangham rien ne prouve que le chimpanzé violent et agressif nous offre une meilleure image de notre passé que le bonobo pacifique, sensuel et conciliateur.
La controverse n’est donc pas close et la question n’est pas tranchée une fois pour toutes. Sur le plan idéologique les deux camps se renvoient la balle, les faucons traitant les colombes de rousseauistes naïfs empêtrés dans d’antiques illusions sur la nature angélique de l’homme, les colombes ne tarissant pas de sarcasmes sur les faucons obnubilés par de vieux mythes post-édéniques et des obsessions hérités de Hobbes sur la méchanceté foncière de l’homme et les vertus pacificatrices du Léviathan.
Il faudrait donc reprendre la question en examinant plus attentivement cette fois des groupes humains qui ont pu être observés directement, et se poser encore la question de savoir s’il y a effectivement une continuité entre ces groupes et les chimpanzés. Cette continuité a sans cesse été affirmée par Wrangham, Pinker et d’autres en recourant à des parallèles nombreux entre ethnographie et primatologie, comme indiqué précédemment. Une autre question cruciale est de savoir s’il existe ou non des sociétés humaines totalement pacifiques. De telles sociétés n’existent pas à en croire les faucons (voir Wrangham p. 75 et Pinker), elles existent et on les a vues, prétendent les colombes (Benjamin et al., Fry). Il faudrait cependant commencer par interroger les archéologues avant de frapper à la porte des ethnologues. C’est ce que nous allons faire dans la conférence suivante.